La
nature juridique de l’Accord de Paris : Bonnes et mauvaises nouvelles !
Vue de la salle qui a abrité la cérémonie d'adoption de l'Accord de Paris |
Les historiens des conférences
des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements
climatiques retiendront que Paris, ville
lumière a remporté son pari : celui
de faciliter l’adoption d’un «accord juridiquement contraignant »
« qui reflète les positions des parties » comme l’avait souhaité et
rappelé Laurent Fabius, ministre
français des Affaires étrangères (Président
de la COP21), en réponse à son homologue
américain, John Kerry qui déclarait le 12
novembre, à ce sujet qu’il n’y aurait pas d’accord juridiquement contraignant à Paris.
Après d’âpres négociations
entre les 196 parties (195 pays+ Union Européenne) qui traduisent en réalité le
climat qui a toujours régné depuis les dernières conférences des Parties, un accord adopté à
l’unanimité(en dépit de la réaction tardive du délégué nicaraguayen) pour
lutter contre le rechauffement de la terre et ses conséquences a été trouvé. Selon un communiqué de la Présidence
française, la cérémonie officielle de
signature est prévue le 22 avril 2016. Et il entrera en vigueur dès 2020 si 55 pays comptant au moins 55% des émissions
mondiales de gaz à effet de serre déposent leurs instruments de ratification. Pourtant,
la question de sa nature juridique, donc de son caractère juridiquement
contraignant ou non en réalité s’impose.
En effet, cet accord qui conjugue la rupture et, d’une certaine
manière la continuité avec le Protocole de Kyoto est en réalité un accord hybride qui exprime le compromis
trouvé grâce à la capacité de persuasion de la présidence de la COP et de tous
les facilitateurs désignés à l’effet
d’aider les Parties à trancher sur le choix des options et des termes de
l’accord. C’est l’occasion de saluer la perspicacité de tous ces acteurs, sans
oublier la capacité des délégués des Parties qui ont réussi à surmonter leurs divergences
pour doter la planète d’un accord qui n’est pas il faut le rappeler, une fin en
soi.
Pour revenir au caractère hybride
de l’Accord de Paris, il se traduit par la cohabitation de nombreuses
dispositions à la fois contraignantes
(articles 3, 9.1, 9. 7, …) et non contraignantes (articles 5, 7.7, …).
C’est normal, il fallait à « tout prix » un accord à Paris. Chaque Partie
à eu sa part du gâteau, même si pour de pareils événements, tout le monde n’est
pas toujours servi de la même manière. A titre d’exemple, pour certains pays de
la COMIFAC qui avaient beaucoup misé sur
la REDD+, ils se contenteront de
dispositions non contraignantes puisque
l’article 5 de l’Accord utilise des formulations comme «
devraient », « le cas échéant » ou « les Parties sont
invitées ».
Autre questionnement, l’absence de sanctions dans l’accord. En effet, mêmes les dispositions dites contraignantes
parce qu’exprimant une obligation de résultats ou de moyens pour les parties concernées, ne sont pas assorties de sanctions.
Contrairement au Protocole de Kyoto qui comprenait ce type de dispositions
(malheureusement restées ineffectives), l’Accord évite les sanctions pour certainement contenter certains pays opposés au transfert ou à
l’abandon de leur souveraineté à un organe quelconque. D’ailleurs, le mécanisme (un comité
d’expert) institué à l’article 15 pour « faciliter
la mise en œuvre et promouvoir le respect des dispositions de l’Accord et en
promouvoir le respect » fonctionnera d’une manière certes
« transparente », mais « non accusatoire et non punitive ».
l'un des plus beaux stands de la COP 21 par son décor original |
Au regard de ce qui précède,
plus d’un observateur peut donc
s’interroger sur l’avenir de cet Accord
dit « ambitieux » et « juridiquement contraignant ». Si
aucun Etat ne peut être inquiété par de
sanctions internationales comme on l’observe dans certaines matières en droit
international, notamment avec l’usage de mesures coercitives, que resterait-il encore du caractère contraignant de cet
Accord ? Comment amener les Parties à respecter leurs engagements ?
Comment assurer un avenir meilleur à l’Accord de Paris ?
Je souhaite pour ma part
que les citoyens, les organisations de
la société civile, les élus et autres
acteurs conscients de l’enjeu et du défi
climatique du siècle présent , s’approprient la dynamique créée par la COP 21 et les dispositions à la fois contraignantes et non
contraignantes de l’Accord de Paris, afin
d’amener les Etats à le ratifier, à prendre des mesures internes adaptées
et de les faire respecter par la suite pour le bien de l’humanité.
Maître Brice Séverin
PONGUI
Avocat au Barreau de
Brazzaville
Membre de la Commission du Droit de l’Environnement de l’UICN
Réflexion à lire dans le magazine Afriquenvironnementplus, spécial COP 21
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